Brut, média (jusque-là) 100 % social, a décidé de lancer son propre site web et une application mobile. C’est un virage étonnant de la part de ce média qui affirmait encore, courant 2018, que les changements algorithmiques de Facebook défavorisant les pages n’impactaient pas son modèle. Alors, le 100 % social, une stratégie défaillante ?
Brut lance un site et une app
Le JDD l’annonçait la semaine dernière : Brut, le média 100 % réseaux sociaux, a décidé de changer de stratégie. Le média se dote d’un site web, d’une application mobile… et de grandes ambitions : il escompte un milliard de vues dès le mois de février !
Le mouvement peut paraître à rebours des tendances en vogue. Il mérite donc qu’on s’y arrête le temps d’un (nouvel) article. En effet, nous avions déjà ouvert le débat : le site web est-il bon à remiser au musée d’internet ?
Pourquoi passer du 100 % social au web ?
La visibilité ! Comme le dit lui-même un de ses fondateurs, Renaud Le Van Kim :
« C’est intéressant de tester Brut en tant que média de destination et d’entrer dans l’univers de la recherche via un navigateur. D’autant que nous avons un catalogue riche de 7 000 vidéos qui pourront ainsi être retrouvées et visionnées. »
Le Figaro
Traduisons-le : les réseaux sociaux, c’est chouette, mais nous nous retrouvons à dépendre d’algorithmes que nous ne maîtrisons pas pour garantir notre visibilité. Ce qui s’avère peu satisfaisant, notamment pour faire vivre nos contenus un peu plus anciens mais toujours d’actualité. En effet, les archives d’un média, bien valorisées sur un site web, sont une source de monétisation complémentaire. Sur les réseaux sociaux, qui valorisent les publications récentes, c’est peine perdue. Rappelez-vous : passées quelques heures, les publications Facebook deviennent de fait invisibles ! D’ailleurs, YouTube l’a bien compris et essaye d’y remédier avec ses fonctionnalités communautaires.
Pourtant, Brut touchait déjà 2 milliards d’internautes exclusivement sur les réseaux sociaux, rappelait Libé fin 2018. De quoi faire rêver les investisseurs… Le média avait en effet investi, outre la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, l’Inde et le Mexique.
Et derrière l’enjeu de visibilité, il y a celui de la bonne santé économique. Comme le rappelait Libé dans le même article :
« Le volume est là, mais le chiffre d’affaires étonnamment faible. D’après nos informations, le média a perdu 3,3 millions d’euros [en 2017]. »
Libération
Les économies d’échelle liées à son audience et évoquées par Les Échos n’ont visiblement pas suffi à Brut. Frenchweb pointait d’ailleurs le risque de « dépendance » du média vis-à-vis des plateformes sociales, Facebook en tête, en fin d’année dernière :
Si le succès est au rendez-vous deux ans après son lancement, Brut doit cependant composer avec l’algorithme déroutant de Facebook et des autres plateformes pour perdurer.
Frenchweb
Le modèle économique a-t-il changé ?
Non, la principale source de revenus de Brut provient toujours la publicité. Ce modèle sera d’ailleurs renforcé : le fait d’avoir son propre site web offre de nouveaux espaces pour accueillir de la publicité.
Cette transition se manifeste par un recrutement important : Olivier Gonzales, passé par le pôle média d’Havas et ex-tête du bureau France de Twitter, va se charger de développer la publicité à l’international.
D’importants contrats seraient déjà en passe d’être signés, explique Offre Média. En d’autres termes, le média s’oriente, au moins partiellement, vers un modèle économique reposant sur la publicité sur son site web et son app.
Notre conclusion : si vous pensiez sérieusement remiser votre site web au placard, prenez peut-être encore un peu de temps pour y réfléchir ! Sur un site web, vous êtes propriétaire de vos murs, de la forme et de la couleur des meubles, de leur place dans chaque pièce, du contenu du frigo et de la musique sur la chaîne hi-fi. Bref, vous êtes chez vous, pas à l’hôtel, et c’est vous qui décidez de la déco. En d’autres termes, vous sortez d’une logique de flux, celle des réseaux sociaux, pour redevenir souverain sur les formats et la visibilité de vos productions.
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