Les dark patterns sont des éléments de design qu’utilisent les plateformes web. À quoi servent-ils ? À orienter les choix que vous y faites. Un exemple ? Vous souhaitez quitter Facebook mais aussitôt votre intention communiquée au réseau social, il vous envoie une notification pour vous indiquer qu’un ami vous a identifié dans une photo. Alors, allez-vous craquer ?
Pressé·e ? Voici la synthèse de l’article ! >> Sur Internet, les dark patterns sont des éléments de design qui nous poussent à faire certains choix plutôt que d’autres. Ces éléments de design sont invisibles : nous ne nous rendons pas compte que nous sommes influencé·es par leur présence. Pour les entreprises du numérique, l’intérêt est évident. Par exemple, garder les internautes le plus longtemps possible sur leur plateforme. Mais pour les internautes, cela peut poser problème. D’où un mouvement qui monte en faveur d’un design numérique plus honnête. Et à l’échelle de chaque éditeur de site web ou d’application, il est possible d’agir.
Les dark patterns, comment ça marche ?
Concrètement, un dark pattern (ou un « élément de design douteux » en bon français) nos biais cognitifs pour nous pousser à effectuer un choix plutôt qu’un autre.
L’idée est bien que vous ne vous rendiez même pas compte du choix que vous faites, voire du simple fait que vous soyez en train de faire un choix.
Le tout, en surfant sur des sentiments que nous éprouvons tous : l’ennui, la peur du rejet, notre besoin de conformité sociale, bref, des sentiments anxiogènes.
Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?
C’est un mécanisme de pensée, qui a la désagréable propriété d’altérer nos raisonnements, notre jugement… et donc de fausser les décisions qu’on prend ! Concrètement, c’est une erreur de perception, d’évaluation ou d’interprétation logique.
Notez : comme souvent, internet n’a rien inventé. La publicité exploite nos biais cognitifs depuis longtemps. Par exemple, ce pull à 29,99 euros vous paraît spontanément une bien meilleure affaire que son voisin à 30 euros. Ce que le numérique change, en revanche, c’est qu’il permet d’automatiser l’utilisation des dark patterns, donc de les utiliser massivement.
Pourquoi utiliser nos biais cognitifs ?
Si on revient aux réseaux sociaux, l’objectif est de maximiser le temps que vous passez sur une plateforme et vos interactions avec vos contacts sur cette plateforme.
Pour une raison simple : en étudiant votre comportement, le réseau social obtient plus de données permettant de vous caractériser. Et peut donc vendre aux annonceurs un ciblage publicitaire plus précis. C’est le cœur du modèle économique de beaucoup de plateformes numériques, vous comprenez pourquoi c’est un enjeu de taille !
Ce sont ces enjeux que concentrent ce qu’on appelle maintenant l’économie de l’attention. En clair, la bataille pour attirer votre attention… et la conserver le plus longtemps possible !
La critique des dark patterns monte, monte…
Des « ex » de grandes entreprises, comme Google ou Facebook, dénoncent maintenant ces pratiques haut et fort. C’est notamment le cas de Tristan Harris, ex-ingénieur de chez Google, qui ne mâche pas ses mots. Extrait :
« [Ces entreprises] ne parlent pas d’un problème d’addiction aux technologies mais d’«engagement». Et [elles] ne disent pas à leurs ingénieurs de concevoir des outils de manipulation des esprits mais des outils pour «augmenter l’engagement sur de la publicité ciblée», car aucun ne voudrait travailler pour eux sinon. »
Tristan Harris pour Le Figaro
Puis il enfonce le clou :
« Je veux éveiller les consciences là-dessus : absolument tout le monde, sans exception, est influencé par des ressorts qu’il ne voit pas. »
Tristan Harris pour Le Figaro
Une réponse : le design éthique
Si les géants du web se lancent tous dans la mise en place d’outils dits de « déconnexion », pour aider leurs usagers à modérer leur utilisation, leurs initiatives ressemblent à des coups d’épée dans l’eau. D’autant qu’ils sont en plein conflit d’intérêts avec eux-mêmes.
Le règlement général sur la protection des données (RGPD), en application depuis mai 2018, a permis d’accomplir un premier pas en encadrant ce qu’il est possible de faire avec nos données personnelles.
Mais l’acceptation sans réserve des usages que souhaitent en faire les grandes plateformes web conditionne encore l’accès à leurs services. Autrement dit : si vous n’acceptez pas les conditions d’utilisation de Facebook, par exemple, Facebook vous refuse l’accès à son site.
Le « privacy by design« , c’est-à-dire l’inclusion de la protection de la vie privée des internautes dans la conception même des services numériques, ce n’est donc pas gagné, même si le règlement européen fait un premier pas dans cette direction.
En complément du RGDP : mieux configurer nos paramétrages personnels
Vous pouvez aller plus loin par vous-même. Ce bouton de notification rouge, ces énormes notifications sur votre téléphone verrouillé, ces vibrations et sonneries (très) régulières attirent irrémédiablement votre attention ?
Certaines parades existent déjà : la désactivation des notifications, le passage de votre écran en noir et blanc (pour vous débarrasser de ces attrayants boutons colorés), etc. Encore faut-il le savoir, et aussi savoir comment trouver ces paramètres dans les réglages de votre téléphone.
En bref, pour ne pas vous laisser vous débattre avec des paramétrages de vos machines, les concepteurs de plateformes numériques et d’applications sont appelés à jouer un rôle essentiel. Ce qui implique de construire des architectures souples sur ces plateformes.
En effet, impossible de prévoir à l’avance tous les usages qu’en feront les internautes : il faut donc se garantir la marge de manœuvre nécessaire pour intervenir au bon moment.
Éviter les mauvaises pratiques de dark patterns
En tant que professionnels du numérique ou de la communication, vous pouvez éviter dès le départ certaines mauvaises pratiques :
- la notification qui ne notifie rien de concret (uniquement destinée à faire revenir l’internaute sur votre plateforme) ;
- le bouton « j’accepte / j’autorise » (telle plateforme à collecter mes données) en gros et en couleur, par opposition au bouton « je refuse / je n’autorise pas » en gris clair sur fond blanc ;
- la pop-up destinée à distraire l’internaute pour l’inciter à valider au plus vite l’option qui vous arrange.
À condition, bien sûr, d’accepter que l’éthique puisse être un impératif supérieur à la rentabilité immédiate !
Vous avez des questions ? Des remarques ? N’hésitez pas à nous en faire part sur notre page LinkedIn ou en nous envoyant un message, ici. Vous pouvez aussi recevoir tous nos conseils pratiques et notre article premium dans votre boîte mail une fois par mois.