L’illectronisme est une réalité méconnue. En 2020, un rapport du Sénat estimait que 60 % des Français étaient incapables de réaliser des démarches administratives en ligne. Et contrairement à ce que sermonne le discours dominant, les jeunes sont aussi très touché·es.
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93 % des Français·es utilisent Internet. Pour autant, 60 % des habitant·es du pays sont incapables de réaliser des démarches administratives en ligne.
On appelle cela l’illectronisme. Ce concept désigne les personnes qui ne savent pas ou pas bien utiliser un ordinateur, un smartphone ou naviguer sur internet. L’illectronisme touche aussi les jeunes : 30 % des Français·es de moins de 29 ans sont peu ou pas compétents pour faire leurs démarches administratives en ligne.
Cette situation pose problème : en raison de la numérisation des services publics, c’est autant de millions de personnes, rien qu’en France, qui sont exclu·es de l’emploi ou privé·es de leurs droits.
Vous avez forcément déjà entendu cela : l’ensemble des jeunes né·es avec Internet y sont spontanément à l’aise. En réalité, les moins de 30 ans n’utilisent pas si bien que cela le numérique.
Comment expliquer un tel écart entre le discours dominant (les jeunes maîtrisent Internet) et la réalité ? Ce diagnostic erroné vient d’une confusion : mettre sur le même plan les smartphones, que les jeunes maîtrisent plutôt bien, avec internet et l’informatique, qu’ils maîtrisent beaucoup moins bien.
À l’aise avec un téléphone connecté mais qui souffre d’illectronisme : la réalité d’une partie des 15-29 ans
En 2021, 94 % des 15-29 ans avaient un smartphone (INSEE). Ils et elles sont 97 % à se déclarer très compétent·es ou assez compétent·es pour l’utiliser (cf. schéma ci-dessous).
Le problème, c’est que le smartphone ne représente pas l’ensemble des ressources d’Internet. Sans parler de l’informatique en général. Dit autrement, si cette génération est à l’aise avec les réseaux sociaux, elle l’est beaucoup moins avec le traitement de texte ou les démarches administratives en ligne.
C’est un enseignement fondamental. Le smartphone est un outil très puissant, mais savoir l’utiliser ne fait pas de nous de parfaits connaisseurs de l’univers numérique. Résultat : les plus confiant·es avec un téléphone connecté dans les mains peuvent malgré tout souffrir d’illectronisme. L’illectronisme touche les personnes qui ne savent pas ou pas bien utiliser un ordinateur, une tablette ou naviguer sur internet.
30 % des moins de 29 ans peu ou pas compétents pour faire leurs démarches administratives en ligne
En 2020, une étude menée par l’ARCEP a révélé que près d’un tiers des moins de 29 ans sont incapables ou quasiment incapables d’effectuer leurs démarches administratives en ligne.
Cette incapacité ne concerne pas seulement les moins de 29 ans. Ainsi, 14 millions de Français et Françaises ne maîtrisent pas le numérique d’après un rapport du Sénat de septembre 2020. Un rapport qui souligne lui aussi que « contrairement à une idée reçue, les jeunes, y compris les étudiant·es, manquent également de compétences numériques. »
Une affirmation renforcée par les observations de l’INSEE. Un des chercheurs de l’institut explique ainsi, dans ce même rapport, qu’il n’est pas « rare que des adolescent·es ou jeunes adultes, particulièrement actifs et actives sur les réseaux sociaux, soient en difficulté pour d’autres tâches, comme l’envoi de courriels ou la recherche d’informations administratives. »
60 % des Français incapables de réaliser des démarches administratives en ligne
Ce rapport du Sénat va plus loin. Son auteur assure que « trois Français·es sur cinq [sont] incapables de réaliser des démarches administratives en ligne. » À l’appui, cette incroyable anecdote : « même l’Inspection générale des affaires sociales n’a pu réaliser, en décembre 2019, un test de demande d’aide au logement en ligne ! »
À regarder de près, comme le fait ce rapport, ce chiffre de 60 % n’est pas étonnant. En réalité, l’illectronisme touche particulièrement des catégories très larges de population. Par exemple, les personnes âgées, les précaires, les handicapé·es, les étrangers et étrangères, ou les détenu·es.
Or, la numérisation des services publics est en cours, à grande vitesse. En conséquence, c’est autant de millions de personnes, rien qu’en France, qui sont exclu·es de l’emploi ou privé·es de leurs droits.
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