Un bon nombre de médias, d’associations et d’ONG quittent X le 20 janvier, jour de la prise de pouvoir officielle de D. Trump. Les dernières déclarations de M. Zuckerberg sur la modération chez Meta laissent pantois·es nombre d’internautes. Et même si, pour l’instant, l’Union européenne est protégée par sa réglementation, le signal est très négatif. Et pose la question de votre « brand safety » (en gros, votre réputation de marque), à moyen et long terme, si vous utilisez ces plateformes.
Le contexte ?
Une surenchère réactionnaire, pour des motifs opportunistes, avec la liberté d’expression dans le rôle du cache-misère ! Explications.
Chez Meta, on peut maintenant comparer les femmes à des objets. Et soutenir que l’homosexualité est une maladie mentale, en toute sérénité, ou encore que les immigrés sont des ordures… du moins aux États-Unis.
Facebook et Instagram vont y voir leur système de modération considérablement allégé : au lieu d’être assurée par des équipes dédiées, elle sera désormais assurée via des « community notes » (des notes des usagers).
Ça vous évoque quelque chose ? C’est normal, c’est déjà le cas chez X, y compris en Europe. Et ça peut fonctionner… quand le dispositif n’est pas pris d’assaut par une armée de trolls aux visées douteuses.
Et tout ça, dans quel objectif ? Insuffler davantage d' »énergie masculine » et, prétendument, revenir aux fondamentaux de la liberté d’expression, selon Zuck. Par opportunisme économique, à la veille du début du second mandat de Trump, répondront les esprits chagrins, voire par pur cynisme. Dans les deux cas, rien de bien glorieux.
Parce que… la liberté d’expression, vraiment ? De la part de plateformes qui viennent de démontrer (encore) le pouvoir de contrôle qu’elles ont sur ce qu’on peut y dire… ou pas, c’est assez savoureux (mais amer). Parce qu’elles fixent, évidemment, les règles de modération, mais aussi ce qui se voit beaucoup et ce qui ne se voit pas du tout, via leurs algorithmes.
Chez X, le système de valeurs qu’incarne la plateforme pose aussi problème. Greenpeace France, France Nature Environnement, Emmaüs… 87 associations quittent le navire. Des collectivités aussi : la Ville de Poitiers ou la Région Bretagne, par exemple. Précisément à cause des propos mensongers et haineux qui pullulent sur la plateforme.
En passant, si TikTok doit finalement changer de propriétaire aux États-Unis, savez-vous qui pourrait bien être sur les rangs ? Devinez !
L’UE en ligne de mire !
L’entrée en vigueur du DSA (Digital services Act) et le projet d’IA Act, dans l’Union européenne, ne font pas sauter les grandes plateformes de joie. Pour leurs dirigeants, ces réglementations constituent un frein à l’innovation… et ils comptent sur Trump pour faire pression.
Quelles conséquences pour votre réputation de marque ?
Travailler votre notoriété ou votre image de marque dans un environnement plus violent, qui laisse plus de places aux fausses informations, représente un risque non négligeable pour vous.
Si vous adhérez à des valeurs plus progressistes que celles revendiquées sur ces plateformes, votre discours risque d’être dissonant… et affiché dans un contexte peu favorable. Avez-vous vraiment envie de figurer dans le fil d’actus de vos audiences entre une fake news et une insulte raciste ou transphobe ?
Originellement utilisée dans le domaine de la publicité, la notion de « brand safety » (ou réputation de marque) attire l’attention sur un point : comment on fait pour éviter toute association indésirable entre notre marque et le reste du monde ? L’idée était bien de mettre des garde-fous aux placements publicitaires, pour éviter leur affichage de des contextes nuisibles. Par exemple, en display, des sites porno, d’extrême-droite ou à l’orientation sexiste ou raciste. Précisément tout ce que vous risquez déjà un peu aujourd’hui, et peut-être davantage demain, chez Meta ou chez X.
Et c’est une affaire sérieuse, Youtube peut en témoigner.
Quelles solutions pour garder la main sur votre réputation de marque ?
Ça n’est pas si facile de laisser derrière vous une audience construite par un travail de fourmi, pendant des années, d’un seul clic et sans un regard en arrière ? On vous comprend ! Jeter le bébé avec l’eau du bain est rarement une idée de génie.
Pourtant, toutes les transitions réussies s’anticipent… et il n’est jamais trop tôt pour bien faire.
Gardez un œil sur les réseaux sociaux émergents
Que ce soient de nouveaux entrants (comme Bluesky) ou des acteurs un peu plus anciens qui reviennent sur le devant de la scène (comme PixelFed ou Mastodon), des alternatives à Facebook, Instagram et X existent déjà. Plus ou moins riches sur le plan fonctionnel, la question est surtout de savoir si vos audiences y filent. Pour ça, une seule solution : de la veille !
Optez pour des réseaux décentralisés
Sur les réseaux sociaux, vous êtes dans la posture du locataire, pas du propriétaire (contrairement à votre site web) : ce n’est pas vous qui fixez les règles. En ce sens, les réseaux dont la gestion est décentralisée sont intéressants : contrairement à Facebook, Instagram ou X, ils ne sont pas gérés par une entité unique… et ils donnent plus de pouvoir à leurs utilisateurs.
Diversifiez vos médias
Un avant-dernier conseil pour la route : ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier ! Ne construisez pas toute votre communication sur un seul média… a fortiori un réseau social. Si ses règles changent, vous risquez de vous retrouver démuni et sans recours possible.
Idéalement, incluez dans votre mix média au moins un outil dont vous êtes propriétaire : ça peut être votre site web (le grand classique), mais vous pouvez aussi faire le choix d’une lettre d’info (newsletter). Vous réduisez ainsi votre dépendance à la bonne volonté de personnes sur lesquelles vous n’avez aucune influence.
Recyclez !
Pour ne pas repartir de zéro, mettez en place des synergies entre vos différents médias : un article de votre site web peut vous donner la matière à un carrousel pour PixelFed ou LinkedIn, qui vous donnera la matière pour un thread sur Bluesky, etc.
Vous voulez faire évoluer votre stratégie digitale et vos leviers de communication, pour être plus en adéquation avec vos valeurs de marque ?
Un dernier lien pour la route ? À l’époque où Donald Trump était banni de Twitter, nous soulignions déjà la fragilité de la posture d’usager des réseaux sociaux, en opposition aux atouts d’un espace à soi comme le site web (sans juger du bien fondé de cette suspension sur le fond). Vous pouvez retrouver cette archive ici.