Le web est presque trentenaire : il fêtait ses 29 ans hier. Avec près de la moitié de la population mondiale qui y est aujourd’hui connectée, ses acteurs économiques ont maintenant une responsabilité sociale indéniable. Qu’est devenu l’espace libre et ouvert à tous pensé au départ ? Celui qu’on présente comme le père d’internet, Tim Berners-Lee, fait le point dans une lettre publiée le 12 mars.
Fracture numérique : la moitié de la planète laissée pour compte
Si on se réjouit de voir que la moitié de la population mondiale a aujourd’hui accès au web, ça veut aussi dire que l’autre moitié de l’humanité vit sans, ce qui aggrave des inégalités préexistantes. Devinez, qui du cadre sup’ européen ou de la femme pauvre qui vit en zone rurale en Asie a le plus de probabilités de ne pas pouvoir accéder au web ?
« Si nous n’investissons pas sérieusement pour combler cet écart, le dernier milliard d’habitants ne sera pas connecté avant 2042. C’est toute une génération qui est laissée pour compte. »
Tim Berners-Lee
Le saviez-vous ?
Depuis 2012, l’accès à internet fait partie des droits de l’homme. Comme l’accès à l’eau potable, la nourriture, au logement et à l’électricité.
Quelles solutions ?
Parmi les solutions envisageables, pourquoi ne pas miser sur les réseaux WiFi publics et les réseaux communautaires ?
En effet, l’internet tourne à deux vitesses. Dans les pays plus pauvres, les initiatives sont souvent privées… et beaucoup moins riches que l’internet « classique ». Rappelez-vous, Facebook « connecte » par exemple certaines zones du monde qui n’ont pas accès à internet, mais c’est une connexion en réalité très rabougrie puisque l’utilisateur a accès à seulement quelques sites et applications. De son côté, Google a aussi la volonté de connecter le monde.
Dans les pays développés, le secteur public n’est pas (toujours) en reste : les bibliothèques, d’envergure nationale mais aussi municipales, s’y sont mises. Certaines villes aussi, avec plus ou moins de succès. En tout cas, en France… et encore, pas partout, il existe encore des « zones blanches« .
À leur échelle, beaucoup d’entreprises ont déjà compris l’intérêt (commercial) qu’elles peuvent tirer de la mise à disposition gratuite du réseau dans leurs locaux. C’est le cas de chaînes de restauration, de bars notamment.
Recherche du profit ou du bien social ?
Au fil des ans, se sont développées des plateformes qui sont devenues dominantes. Pensez à Google pour les moteurs de recherche, Facebook pour les réseaux sociaux, Amazon pour le e-commerce, pour n’en citer que quelques-uns. Cette concentration a abouti à verrouiller certains marchés, notamment celui de la publicité en ligne, sur laquelle repose bon nombre de modèles économiques.
Chiffre-clé
Google et Facebook représentent 78 % du marché de la publicité en ligne à eux deux (search et display). Sur mobile, ils atteignent 90 % de parts de marché.
Quelles solutions ?
Tout d’abord, un cadre légal intelligent pourrait permettre de créer un équilibre entre recherche du profit pour ces entreprises et recherche du bien social pour tous. Notamment en limitant la concentration des grandes plateformes, qui imposent de lourdes barrières à l’entrée de leurs concurrents (par leur politique d’acquisition d’entreprises, les énormes quantités de données récoltées sur leurs utilisateurs) et qui, en bout de chaîne, finissent par ralentir l’innovation.
En Europe, on distingue d’ailleurs quelques avancées significatives sur ce plan, comme le Règlement européen sur la protection des données (RGPD), qui s’applique à partir de mai 2018. Plus controversé, notamment par la presse et les professionnels du numérique, le règlement européen ePrivacy, est lui attendu pour 2019.
« Nous pouvons concevoir un Web qui crée un environnement constructif et coopératif. »
Tim Berners-Lee
Par ailleurs, ces évolutions posent une autre question : la publicité est-elle vraiment le seul modèle économique viable sur le web ? Du côté de la presse notamment, d’autres modèles se mettent en place :
- abonnement,
- accès freemium : soit une partie des contenus d’un site en accès libre, l’autre en accès payant comme chez Le Monde, soit l’accès libre à un nombre limité de contenus sur une période donnée comme pour Les Échos,
D’autres modèles alternatifs trouvent leur chemin dans d’autres secteurs. Côté jeux vidéo par exemple, l’app-purchase (l’achat intégré dans l’application, par exemples d’items pour progresser plus vite dans le jeu) progresse à grands pas. Dans le e-commerce, l’abonnement prend aussi de plus en plus d’importance, comme chez My Little Box (beauté et accessoires) ou Le Petit Ballon (pour les vins). Le principe : vous vous abonnez et vous recevez (chaque mois, généralement), un colis avec une sélection de produits choisis pour vous par l’entreprise.
S’ils ne vous dispensent que rarement de faire de la publicité (y compris en ligne) pour vous faire connaître, ces modèles économiques ont cela d’intéressant qu’ils permettent d’acquérir, et surtout de fidéliser, des clients sur la base d’autres sources de revenus.
Désinformation : une espèce en voie de disparition ?
On en a déjà parlé ici, on ne vous refait pas l’historique : les fake news sont devenues un marronnier du genre. Les grandes plateformes, de recherche ou sociales, s’empêtrent dans leurs tentatives de régulation de ces fausses informations. Ce qui montre, en creux, que leurs algorithmes ne sont pas encore mûrs pour remplacer les humains.
Quelles solutions ?
A tel point que plusieurs annonceurs ont même parfois décidé de retirer leurs billes de ces plateformes. Ça a par exemple été le cas de YouTube, chez qui des chaînes malhonnêtes monétisaient des vidéos qui paraissaient destinées aux enfants mais qui en réalité montraient tout autre contenu…
Et oui, les annonceurs aussi sont des acteurs à part entière de ces modèles économiques. Et peuvent, à chaque fois que la nécessité s’en fait sentir, peser dans la balance.
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